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Des producteurs poursuivent l'Écodep La Générale
Des producteurs poursuivent l'Écodep La Générale

La Presse

time3 days ago

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Des producteurs poursuivent l'Écodep La Générale

Un charmant dépanneur montréalais est au cœur d'une triste histoire : de nombreux fournisseurs et ex-employés allèguent que le commerce leur doit de l'argent pour factures non payées ou salaires non versés. « Comment peux-tu te vanter d'encourager l'industrie locale quand tu ne payes même pas les producteurs ? », lance Émile Robert, copropriétaire de la cidrerie Le Somnambule, à propos de l'Écodep La Générale, de l'avenue Laurier, à Montréal. L'histoire, qui implique des sommes en apparence négligeables, illustre les obstacles auxquels peuvent faire face de jeunes entreprises en démarrage. Le commerce de quartier établi sur l'avenue Laurier est dans la tourmente. Des petits producteurs se sont tournés vers les tribunaux pour récupérer des sommes que la propriétaire ne leur aurait pas payées ; d'autres disent encore espérer récupérer leur argent pour leurs vins, cidres, hydromels, kimchis et autres produits locaux ou écoresponsables. PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE La propriétaire de l'Écodep, Marie Moubarac, en 2022 Car c'est la vocation de ce dépanneur innovant qui avait bénéficié d'une belle couverture dans la section Affaires de La Presse à ses débuts, en 2022. L'instigatrice du concept, Marie Moubarac, avait alors expliqué qu'elle choisissait toujours le produit le plus durable ou responsable pour ainsi reproduire le dépanneur classique. Le consommateur n'a pas à se poser de questions, il fait son achat en sachant que quelqu'un a fait le travail de recherche pour lui. Marie Moubarac est catégorique : dans une entrevue accordée à La Presse pour donner son point de vue sur cette situation, elle assure qu'elle va payer les sommes dues à tous les fournisseurs qui lui réclament de l'argent. « Mon intention est de payer chaque personne », insiste la détaillante qui précise avoir de bonnes relations avec la majorité de ses fournisseurs. Charmés L'approche du commerce mis sur pied par Mme Moubarac avait séduit plusieurs petits producteurs. « Des commerces comme celui-là, c'est notre pain et notre beurre, poursuit Émile Robert. Des dépanneurs de quartier avec des alcools, des vins locaux et des produits régionaux, ça représente la majorité des points de vente avec lesquels on a l'habitude de faire affaire. » Or, les choses ont tourné au vinaigre pour le producteur de cidre et plusieurs autres fournisseurs qui disent attendre des paiements depuis des mois, voire des années. Les sommes réclamées, souvent petites, peuvent faire une différence dans la trésorerie d'un artisan producteur. PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE L'Écodep La Générale lors de la visite de La Presse en 2022 Émile Robert se rappelle que les premiers contacts avec la détaillante ont été bons, ce qui a mené à une première commande de 366 $ en 2022. Le commerce a 30 jours pour payer sa facture, c'est une pratique courante. Selon les factures consultées par La Presse, l'Écodep a passé une seconde commande durant ce délai. Émile Robert, en confiance, fait une deuxième livraison (valeur de 646 $) sans avoir reçu le paiement de la première. Et les 30 jours arrivent. Et le temps passe. Et les contacts se dissolvent. Plusieurs autres entrepreneurs nous ont raconté des histoires semblables à propos de leur relation avec l'Écodep La Générale qui s'est terminée dans le silence, alors qu'ils étaient en quête de paiement. Au total, pour ce reportage, nous avons discuté avec plus d'une vingtaine de producteurs. Tous avaient eu des problèmes de paiement avec ce commerce ; la plupart attendent encore de l'argent. Ils réclament quelques centaines de dollars ; quelques-uns parlent plutôt de sommes entre 1000 $ et 2000 $. « Pour des petites entreprises, 1000 $, c'est 1000 $. C'est beaucoup d'argent pour nous. Même si ça fait longtemps qu'on est en affaires, nous sommes une entreprise familiale », dit Tamar Panossian, qui a cofondé 57 Végane en 2014 et qui réclame plus de 1000 $ à l'Écodep. La relation s'est aussi détériorée avec plusieurs vignerons, dont certains ont entrepris des démarches devant la justice. Le vigneron Zaché Hall, de l'Espiègle, l'a fait après plusieurs interventions infructueuses, dont des visites au petit dépanneur pour recevoir ses paiements. D'autres vignobles québécois ont aussi décidé de poursuivre aux petites créances et ont obtenu gain de cause : La Seigneurie de Liret de l'île d'Orléans, le Grand St-Charles de Saint-Paul-d'Abbotsford et le Domaine du P'tit Bonheur de Cowansville. Des fournisseurs de tous les horizons Il n'y a pas que des producteurs d'alcool qui réclament de l'argent à l'Écodep La Générale. Le fabricant de wontons Teochew Foodie vient d'obtenir un jugement du tribunal en sa faveur – pour 720 $ plus les intérêts et les frais. La décision date du mois de juin 2025 et reste à exécuter. Le fabricant a entrepris des démarches en ce sens. L'entreprise de Rozi Bertrand produit les jeux de conversation Cul-de-Sac. Elle fait partie de celles qui ont décidé de déposer un dossier devant la division des petites créances de la Cour du Québec, par principe. « C'est inacceptable, des gens qui abusent de petites entreprises », déclare Rozi Bertrand en entrevue. Je savais que ça allait nous coûter plus cher que le montant qu'elle nous devait, qui est minime. Mais c'est dans ma nature : justice devait être rendue. Rozi Bertrand, productrice des jeux Cul-de-Sac L'entreprise de Rozi Bertrand réclame 281 $ à l'Écodep. Dans les documents déposés au palais de justice de Montréal, que La Presse a consultés, on voit bien la détérioration des relations entre Marie Moubarac et les créatrices du jeu Cul-de-Sac. La poursuite contient des captures d'écrans d'échanges au départ très joyeux. À la fin, les requérantes ne reçoivent plus de réponses de la détaillante. « On est contents qu'au moins ça se sache pour prévenir de nouveaux fournisseurs », dit Hugo Ferra, d'Oflore, qui dit attendre un paiement de près de 800 $ depuis plus d'un an. En entrevue, Marie Moubarac n'a pas été en mesure d'évaluer le nombre de producteurs qui attendent toujours des paiements. Les employés aussi Des employés du commerce ont été témoins du ras-le-bol des producteurs, et parfois de visites impromptues de certains qui voulaient récupérer leur marchandise. Claire Margaritelli a commencé à travailler au petit dépanneur de l'avenue Laurier au mois d'août 2024. La Française travaillait au Québec avec un visa vacances-travail. La mission de l'Écodep La Générale cadrait avec ses valeurs. Elle a beaucoup aimé l'expérience au départ. « Je me suis sentie bien accueillie, dit-elle. Puis j'ai commencé à recevoir des appels de fournisseurs qui disaient qu'ils attendaient des paiements, raconte l'ex-employée. Plusieurs fois par jour. » Trois autres ex-employés ont confirmé avoir été témoins de telles situations. « Beaucoup de petites entreprises venaient chercher leur argent », dit Charles Bourdeau qui a travaillé quelques mois à l'Écodep. Une fois, un monsieur est venu et il a pris du stock dans le magasin, car il n'avait pas été payé. J'ai appelé Mme Moubarac après. Charles Bourdeau, ancien employé de l'Écodep Les quatre employés avec qui La Presse a discuté ont tous déposé des plaintes devant la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Ils allèguent que l'Écodep La Générale leur doit encore une partie de salaire non versée et réclament entre 1000 $ et 2500 $. Ils nous ont transmis des échanges avec leur ex-patronne qui s'excuse des retards pour des causes exceptionnelles et annonce un versement à venir. L'Écodep La Générale a déjà été condamné à verser plus de 12 000 $ dans d'autres dossiers l'opposant à la CNESST pour la période entre juin 2024 et février 2025, révèlent des documents de la Cour du Québec. Une affaire complexe Nous avons parlé à Marie Moubarac le 31 juillet. Elle a évoqué des difficultés personnelles ainsi que les nombreux défis inhérents au fait d'être une entrepreneure propriétaire d'un petit commerce lors de cet entretien. Elle a également publié un message sur la page Facebook du dépanneur le soir de notre entrevue. Dans son message, Mme Moubarac explique que son commerce a dû affronter des actes criminels. Malgré ce « climat de peur et de haine », le détaillant réaffirme son « engagement à trouver une issue constructive ». Dans un message subséquent envoyé à La Presse, elle réaffirme que son objectif est de payer les salaires en sursis « dans les meilleurs délais et de régler les différends avec les fournisseurs par les voies légales appropriées, dans le respect des procédures ».

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